Friday, May 18, 2012

Mon projet de master

Les semaines passent et je voulais une fois faire un petit article sur mon projet et ce que je fais ici. Le voici ! Mon projet concerne la modélisation hydrologique et la prévision des crues pour le bassin de la rivière Koshi, qui couvre un tiers du Népal, dans sa partie est.

Le but est de mettre en place un modèle qui permet de traduire les données de précipitation et de température en débit dans le cours d'eau. Avec cela, il est possible de prévoir sur la base des prévisions météo pour les prochains jours, ce qui va se passer dans les rivières du bassin. L'avantage, c'est qu'avec cela, il est possible d'informer la population à l'avance en cas de fortes crues et dans l'optique de nombreux projets d'installations hydroélectriques, il est possible d'utiliser les retenues de ces projets, lorsqu'ils en ont, pour retenir l'eau durant le pic de la crue. Mais pour cela, il est important de savoir à l'avance ce qui va se passer et quand, pour utiliser au mieux les capacités existantes.

Le calage du modèle, c'est-à-dire changer les paramètres du modèle pour qu'il fournisse des débits simulés aussi proche que possible des débits observés, n'est pas encore tout à fait terminé, mais voici un graphique qui présente pour la crue de 1987, avec des pluies de temps de retour de presque 100 ans à certains endroits du bassin, les deux courbes (débits observés en bleu et débits simulés en noir sur la base des précipitations mesurées, représentées avec les barres rouges sur l'axe secondaire).





Le but est d'introduire les futurs projets hydroélectriques dans le modèle, avant leur construction et même avant leur acceptation, afin de négocier avec les exploitants que leur projet puisse également être utilisé dans le cadre de la gestion des crues. En effet, une fois le barrage construit et l'argent investi, difficile de venir frapper à leur porte et dire que leur barrage doit devenir un ouvrage à buts multiples. L'idée du modèle est d'offrir un outil quantitatif permettant de visualiser facilement comment ces barrages peuvent être utilisés dans le futur.

Wednesday, May 16, 2012

Grèves et partie terrain

Le titre peut sembler bizarre, et pourtant les deux vont bien ensemble dans le contexte actuel au Népal. Pour expliquer cela, un très rapide historique de ces dernières années. Devenu une monarchie constitutionnelle en 1990, la stabilité politique du Népal était alors déjà fragile. A partir de 1996, le parti communiste, appelés ici les maoïstes, entama la "guerre du peuple Népalais", avec une insurrection relativement violente dans ses pratiques et active notamment dans les campagnes. Après plusieurs événements ayant marqués le pays, dont notamment une grève générale en faveur de la démocratie en avril 2006, une assemblée constituante a été élue le 10 avril 2008 durant laquelle les maoïstes remportèrent une victoire relative avec plus du tiers des 601 sièges à pourvoir. Le but de cette assemblée est de rédiger une nouvelle Constitution pour le Népal.

Voilà pour l'histoire, qui se continue avec la situation en mai 2012 (4 ans plus tard), avec des délais pour la finalisation de cette constitution ayant été repoussés à plusieurs reprises. Le délai actuel, que tout le monde souhaite être le dernier, est fixé au 27 mai 2012...

Comme cette date approche, de nombreuses discussions et négociations ont lieu actuellement. Avec une nouvelle constitution, passablement de choses sont modifiées dans ce qui constitue la base du droit du pays. C'est pourquoi chacun essaie de défendre ses droits et ses intérêtes.

Un des défis majeurs concerne la division du pays en districts (cantons). Leur nombre va être fortement diminués et la question est de savoir comment définir les limites. Les avis divergent fortement, avec la tendance actuelle s'orientant sur un découpage selon l'origine ethnique (terme utilisé ici) des habitants, ce qui ne plait de loin pas à tout le monde. Chaque groupe, parti politique ou caste défend ses propres intérêts et le moyen le plus en vogue pour cela est de faire des grèves, appelées bandhas, paralysant tout ou partie du pays. En gros, lors des bandhas, toute circulation motorisée est impossible du matin jusque vers 17h00 à partir de quand les gens peuvent à nouveau plus ou moins circuler. Les magasins sont également fermés.
La photo suivante montre un des carrefours généralement fortement fréquentés près d'où j'habite. Comme sur la photo, lors de bandhas, pas une voiture, pas une moto sur les axes principaux....


Et des groupes de personnes se déplacent à travers Kathmandou, revendiquant leurs droits et assurant le blocage du trafic. Jeudi dernier, un taxi a été brûlé à 5h30 du matin parce qu'il ne respectait le bandha... Il existe même un site interne résumant toutes les grèves confirmées : www.nepalbandh.com


Et le lien avec la partie terrain de mon projet ? Nous aurions dû partir mercredi dernier pour 3 jours en direction de l'est pour installer 3 nouvelles stations de mesure avec 2 représentants du Département Hydrologie et Météorologie du Népal ainsi que deux techniciens de l'entreprise en charge de l'installation et du maintient des stations à travers le pays. D'abord reporté à jeudi matin, puis à jeudi soir, puis à vendredi, puis à samedi matin, tout cela à cause des bandhas. Samedi matin 8h30, report du départ au soir, en fonction de la situation, peut-être à dimanche. Je décide donc de partir pour une grande ballade toute la journée (le point positif des bandhas, c'est qu'il n'y a pas de trafic, donc les routes sont vides et l'air est bien meilleur !!!). Après 20 minutes de marche, je reçois un téléphone d'un des techniciens me disant que le bandha est finalement annulé (vous voyez un peu la situation et l'impossibilité de prévoir quoi que ce soit..) et qu'ils me prennent dans 30 minutes devant chez moi.... Rapide retour, préparé mon sac et c'était finalement parti pour le terrain... 8 heures de route pour 190 kms... et oui, malgré une route construite par la Direction du Développement et de la Coopération Suisse (DDC) il y a plusieurs années (visible sur la photo suivante), la route est peu large et prend du temps....


Le but des trois jours était notamment de se rendre sur trois sites de mesure (une station météo et deux stations de mesure de débit pour y installer des nouveaux équipements).

Parmi les équipements en place et dont j'utilise les données pour mon projet de modélisation hydrologique ici (je sais, j'ai toujours pas fait l'article présentant mon projet...), il y avait des pluviomètres, vidés chaque jour par une personne locale et relevant la quantité d'eau reçue durant les 24 dernières heures.


L'eau est collectée dans un tube et la hauteur d'eau mesurée et notée. Il ne reste plus qu'à vider le tout et l'installation est prête pour les 24 prochaines heures.


Sur la station météo, il y avait aussi un équipement sensé permettre la mesure de l'évapotranspiration. La couleur de l'eau laissait cependant croire qu'il n'avait pas été utilisé depuis quelque temps...


Sur les trois stations visitées, de nouveaux pluviomètres automatiques ont été installés. Appelé pluviomètre à auget basculant, l'instrument est composé de deux récepteurs basculants. Lorsque le récipient recevant l'eau de pluie est plein, il fait basculé le tout comme une petite balançoire. C'est alors l'autre récipient qui se remplit et à nouveau fait pivoter le tout lorsqu'il est plein. A chaque basculement, un signal est émis et cela permet de connaître la quantité de pluie avec précision ainsi que la distribution temporelle de la précipitation. En effet, en mesurant chaque jour à 8h45 la pluie cumulée les 24 dernières heures, impossible de savoir après coup s'il a plus fortement durant 30 minutes ou peu de manière continue... et pour la modélisation hydrologique, cette information est très pertinente !




Comme vous pouvez l'imaginer, cela nécessite de l'électricité et de manière continue (ce qui n'est pas courant dans le pays !). Des panneaux solaires ont ainsi été installé dans les trois stations, ainsi que les appareils nécessaires à l'envoi automatique des données vers un serveur central à Kathmandou. Cela permet d'avoir les données en temps réel depuis Internet.


Les 2 derniers sites visités étaient des stations de mesure de débit. Ici aussi, en remplacement d'équipement nécessitant l'intervention d'une personne trois fois par jour (moyenne entre valeurs observées à 8h00, 12h00 et 16h00), un équipement mesurant la pression permet de définir la hauteur d'eau de manière automatique. Cela permet de connaître non pas seulement une valeur par jour, mais la hauteur pour chaque 5 minutes. Une information intéressante dans le cadre de projets comme mon Projet de Master.


Toutefois, il reste encore à transformer une hauteur d'eau en donnée de débit, chose paraissant simple mais qui ne l'est pas ! En effet, la vitesse de l'eau dans un cours d'eau n'est pas uniforme et en plus de cela, dans l'Himalaya, le transport sédimentaire étant important, la forme du lit change avec le temps. Il s'agit donc de mesurer pour une section donnée du cours d'eau les vitesses pour définir la quantité d'eau correspondant à une hauteur d'eau donnée. Puis, l'exercice doit être à nouveau reproduit lorsque la hauteur à changé, pour définir une relation entre hauteur et débit. Sur le dernier site visité, cette mesure a été effectuée, avec une sortie de mini-téléphérique permettant de parcourir la rivière sur toute sa largeur.



Dans l'eau, un instrument équipé d'une sorte d'hélice permet de mesurer la vitesse du courant en plusieurs points, information ensuite utilisée pour calculer le débit correspondant pour toute la largeur du cours d'eau.


Et non seulement le transport sédimentaire est important, mais les rivières sont ici encore dans un état très naturel, rien à voir avec le Rhône en valais, comme le présente la photo suivante.


Petite photo de groupe, avec à gauche les deux techniciens et à côté de moi un des deux représentants du département hydro et météo du Népal. Equipe très sympathique !


Heureusement, car malgré un bon véhicule, nous avons passé beaucoup de temps dans la voiture...



Petit clin d'oeil aux architectes... Au moins ils ne manquent pas d'imagination pour les couleurs ici !


Et pour terminer, deux photos d'enfants, particulièrement curieux de voir les nouveaux équipements que nous venions installés, et aussi le blanc que je suis qui débarquait dans des villages bien reculés, notamment  pour la troisième station.



Et au moment de publier cet article jeudi matin, une grève est à nouveau annoncée pour aujourd'hui, par les mêmes deux groupes que celle de jeudi et vendredi dernier (relativement forte !), et cette fois pour une durée indéterminée.... en gros jusqu'à ce que l'assemblée constituante accepte de répondre à leurs demandes.... cela arrivera-t-il avant le 27 mai ? Personne ne peut répondre à cette question ici !